Géographie de la pensée en marche

Anne Garidou, 2010

Les tableaux d’Emmanuel Ballangé sont, comme il se plait à le dire, davantage des trajets que des projets.

Emmanuel invente, appréhende, expérimente un mode pictural propre à dérouter le spectateur. Il a la faculté de déplacer, d’interrompre, de détourner la trajectoire – de lui tourner le dos. Emmanuel travaille le plan ou la surface d’un tableau de manière physique, partant vers une direction, une couleur, une épaisseur, puis s’en détachant là où l’on ne s’y attend pas – là où même lui-même ne s’y attend pas – pour repartir ailleurs ; repartir presque de zéro, presque en aveugle ; tâtant le terrain, s’y confrontant, revenant sur une première couleur, sur une coulure, une rayure... Il change de chemin, le recrée ; il se perd parfois, puis il revient – comme reviennent les choses enfouies d’une mémoire primitive.

Les tableaux d’Emmanuel prennent forme sur le terrain du banal pour occuper positivement celui de la dissonance, voire parfois celui du mauvais goût. Ils ne suivent ni ne respectent aucune logique, aucun plan. Ils sont en marche, incontestablement, et déplacent avec eux notre propre capacité à voir.

Ainsi, voir les tableaux que peint Emmanuel c’est pénétrer une terre inconnue avec l’étrange sensation d’avoir avec cette terre quelque chose en commun, qui nous est cher.

Autres textes à consulter