• Laurent Kropf

    vu/e par

    Myrtille Bourgeois

    C'est comme

    . C'est comme...»1

     

    I.

     

    Laurent Kropf est né en 1982 à Lausanne, Suisse.

    Il vit et travaille entre Lausanne et Bordeaux, France.

     

     

    II. Suivez-moi-jeune-homme2

     

    Le Rameau d'or, librairie de l'Âge d'Homme.

    Boulevard Georges Favon 17, Genève. L'artiste y puisera ses vieux pères. Faulkner et Nabokov pour l'insensé, l'amour extatique, la rigueur du morphème, l'hypotypose peut-être. Du génie de ceux qui fabriquent des images avec les mots achoppant avec celui de l'artiste qui crée des objets qui racontent des histoires ; ces récits complexes et élaborés où l'on avance comme à rebours pour mieux envisager l'avenir. Car

     

    C'est le difficile qui est le chemin.3

    L'artiste déclare : j'ai toujours peur de trop de simplicité. En effet. Le bien-faire s'accomode ici du solidement-penser. Pensez tout à la fois beau et intelligent. L'artiste raisonne, prospecte, se gratte la tête, ingère puis métabolise ses sources, combine ses vieux pères et les accouple en des arrangements gracieux. Et subtils.

     

    Totchic4

    Le diable se niche dans les détails. Ça tombe bien, l'artiste les affectionne et les soigne aux petits oignons. Ecole suisse oblige. On ne salope pas le travail, on respecte la matière, l'outil, l'artisan ; l'artiste est un garçon poli. On accorde de l'importance à la forme, l'enveloppe, l'image. Même la sienne, cf. appétence pour les beaux souliers. Ou les paires de santiags amputées de leur tige, trésor de guerre collectés à la source, far far west.

     

    Far North5

    Aller jusqu'« Au nord du monde » et partir sur les routes, armé d’un pécule pour une stricte survivance. L'artiste a l'exigence de l’économie domestique, de celle où l'on épargne en bon père de famille, bouts de chandelle, bois de chauffage et confiture faite maison comme système monétaire alternatif à la bonne marche d'un monde universalisé.

     

    L'art-en-tant-qu'art

    Art-as-art-as-idea6. Son œuvre réfléchit le monde. Puisque l'artiste l'investit d'une dimension cosmique – micro / macro – ses vieux pères avalisant l'ancrage de sa pensée dans une historicité à construire. Cette généalogie toute fictionnelle s'acoquine avec un entrelacs tortueux de références culturelles affutées flirtant avec l'actualité et l'anecdote, prises main dans la  main en flagrant délit d'union contre-nature. Le slogan - cri du clan - n'est jamais bien loin. Aka Turbulent times built great leaders7. Le mythe ne s'effondre pas, il surnage toujours. L'artiste y croit, le transfigure, l'adoube, le parabolise ainsi.

     

    Ou l'ardeur.

    De l'amour, pour la route : Badlands, Terrence Malick – Les Chaussons rouges, Michael Powell & Emeric Pressburger – Les Harmonies Werkmeister, Belà Tarr – Werner Herzog – Ludwig Van Beethoven – Charlemagne Palestine – The Ex – Clément Rosset – Pierre Michon.

     

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    1. Dernière phrase de l'ouvrage de Vladimir Nabokov, Ada ou l’ardeur, 1969

    2. Pans d’un ruban de chapeau de femme qui flottent sur la nuque.

    3. « Ce n'est pas le chemin qui est difficile mais c'est le difficile qui est le chemin. », Søren Kirkegaard, in Crainte et tremblement, 1843.

    4. Expression germanique signifiant littéralement « chic à mort », soit définitivement sophistiqué.

    5. Titre original de l'ouvrage de l'auteur anglais Marcel Theroux, « Au nord du monde », paru en 2009.

    6. En référence à la série de photostats Art-as-art-as-idea, « l’art en tant qu’art en tant qu’idée » réalisés à partir de 1966 et appartenant aux Blow Up de l'artiste conceptuel Joseph Kosuth.

    7. Slogan publicitaire d'un symposium dans une école internationale de commerce réutilisé par Laurent Kropf pour le sous-titrage d'une de ses expositions à Genève en 2010.